+ ANIMATION 1 #GROUPE4

J'avais fermé les yeux l'espace de quelques secondes, savourant le léger souffle de vent sur mon visage. Il y avait hélas fort longtemps que j'en avais été privée, recluse dans les bas-fonds d'Urqath, et cela me ramenait à des temps plus anciens où ces bourrasques contre ma peau étaient mon heureux lot quotidien. Les mains croisées derrière mon dos, je tournais alors une énième fois la tête vers la baie du port. Voilà maintenant une bonne poignée de minutes que nous attendions, Hakan et moi, sans que la mer ne veuille sortir de sa quiétude. ❝Elle est en retard.❞ déclarais-je d'un ton neutre. La fautive ? Evanell, capitaine de La sorcière bleue. Un vaisseau au nom atypique, qui l'est tout autant que le triton qui en est à la tête.
La nuit était bien entamée, et les rayons d'Ahara coloraient les eaux de leurs bras d'argent. Nous avions-là une affaire d'une extrême importance à régler et c'est pourquoi, nous avions choisi de nous rendre au point de rencontre en toute sobriété. J'avais pour ma part, attaché une longue cape noire qui venait remplacer mes ailes bien-aimées qui se seraient révélées trop imposantes pour tant de discrétion. Mes deux amies affûtées au côté, je patientais avec une certaine raideur. Puis, je baissais enfin le menton vers mon second : ❝Faut-il s'inquiéter de cette absence ?❞ demandais-je en coulant mon regard céruléen dans le sien.

Soudain, un long cri déchirant se fit entendre non loin. Un cri de femme. Je haussais un sourcil et lâchais un soupir. Ce n'était-là, aucune voix que je connaissais. Une voix bien trop aigrelette pour que je ne me sente concernée. Et par ailleurs, je savais mes partisans au sein de notre forteresse de fortune. Personne sur le terrain cette nuit, excepté notre binôme. Alors, je reportais mon attention sur les quais, n'ayant pas esquissé un geste en faveur de cette lamentation. J'avais une autre affaire à régler, qui était bien plus chère à mes yeux que d'aller me perdre dans le dédale des rues d'Eredhel. A quoi bon former une milice de choix, s'ils ne faisaient pas le nécessaire lorsque le devoir les appelait ? La brailleuse apprendrait alors que l'heure était mal choisie pour une promenade, c'était une façon comme une autre de retenir la leçon...
Et dans cette parfaite indifférence, je m'enquis d'un dernier détail qui pourrait avoir son importance : ❝Evanell devait arriver par la mer, n'est-ce pas ?❞ fis-je calmement alors qu'un nouveau cri retentissait derrière nous.

Seul le bruit des vagues s'écrasant contre les quais daignent remplir l'atmosphère. L'endroit est vide, déserté par toute forme de vie intelligente pour le plus grand bonheur des nuisibles venus se repaître des quelques poissons abandonnés sur le pavé. Les coques des bateaux amarrés grincent, rendent les lieux plus sinistres encore et les deux seules silhouettes qui le peuplent plus inquiétantes. L'une est grande, élancée, et s'impatiente. L'autre, à peine plus petite, mais bien plus massive, joue d'une main avec une pièce d'un ancien temps. Elle sourit à la remarque de sa comparse.

❝ - Ça ne serait pas la première fois.❞

La pièce vole pour mieux refléter les rayons d'Ahara qui y dévoilent un profil masculin aux traits durs, au nez aquilin et à la barbe fournie. Elle retombe dans la paume de son propriétaire qui, mécaniquement, y passe le pouce pour s'imprégner, encore, de ses reliefs. Il s'agit là d'un écu, monnaie utilisée il y a de cela bien longtemps par le peuple Nain et aujourd'hui disparue, rendant ce bout de ferraille plus cher encore qu'une bonne partie des bateaux dans leur champ de vision.

❝ - J'aurais plutôt tendance à m'inquiéter pour celui qui l'a retardée.❞

La réputation de leur collaboratrice n'est plus à refaire et, Hakan doit bien l'admettre, elle lui plaît assez bien.
Ses yeux se plissent alors qu'il scrute l'horizon, espérant y discerner les voiles de la Sorcière Bleue, mais rien à faire, la surface de l'eau reste désespérément plane et sombre. En revanche, ce cri poussé dans la nuit est immanquable. Le Nain se retourne brièvement mais ne voit aucune silhouette, aucune menace. Rien de bien inquiétant en somme, puisqu'il sait qu'aucune mission de la Ligue ne se déroule en ce moment même. Se retournant vers l'étendue d'eau, il hausse les épaules à la question, légitime, de sa voisine.

❝ - C'est ce que j'ai cru comprendre.❞ Sa voix posée trahit son indifférence la plus totale à la pauvre âme dont les cris retentissent encore. ❝ Par contre, si c'est elle, qu'elle finisse rapidement ce qu'elle a à faire. J'ai du boulot qui m'attend.❞

Mon second me confirma que notre invitée devait nous rejoindre par les flots, sans exclure cependant mon hypothèse que les cris pouvaient être les siens. Il faut croire que la ponctualité n'était pas de mise chez les corsaires et je saurai m'en souvenir lors de nos prochains échanges. Si échanges il y avait encore, car je n'aimais pas que l'on me fasse attendre et encore moins que l'on me fasse perdre mon temps, comme maintenant. J'esquissais un fin sourire vers le nain : ❝Si j'avais su que tu étais si impatient de me fausser compagnie, je serai venue seule pour t'éviter ce désagrément.❞ lui glissais-je, pour le piquer un peu. Je savais bien que s'il avait voulu rester à la forge ce soir, il me l'aurait fait comprendre d'une manière ou d'une autre. Il faut dire qu'Hakan jouissait d'une notoriété assez conséquente aux sein des artisans et que son travail était très prisé. Ce qui semblait lui aller plutôt bien. Du coin de l’œil, j'observais l'ancienne pièce de monnaie tourner entre les doigts rendus calleux par le maniement des outils.

Alors, des pas précipités se firent entendre et bientôt un manant, visiblement désespéré nous héla sans vergogne. Légèrement offusquée par tant de familiarité, j'écoutais sa requête, en m'arrêtant sur la crasse de son visage et ses mains couvertes de sang. J'échangeais un rapide regard avec mon comparse et sans crier gare, je me saisis du col du malheureux et rapprocha son visage du mien tandis que ses pieds menaçaient de se décoller du sol :

❝Pour qui me prends-tu, cul-terreux ? Le médecin de la cour ? Regarde-moi bien et excuses-toi d'avoir interrompu notre réunion avec ces mains poisseuses que tu me présentes.❞ fis-je, profondément agacée par ses manières de vaurien. L'aider ? C'était sans doute la chose la plus charitable à faire. Mais étais-je seulement une âme charitable ? Hmm...à  la réflexion, non.

Je lui lançais un regard de dégoût car ses mains avaient touché les miennes, craignant sans doute qu'il ne finisse étranglé si d'aventure je passais à l'étape suivante. Elles étaient à présent souillées du sang de la jeune femme, ou du sien car il n'inspirait pas confiance. Peu importe. C'est pourquoi, je le relâchais et les frottais consciencieusement sur sa chemise avec toute la répulsion dont j'étais capable. Puis, je le tournais et le poussais avec brusquerie en direction d'Hakan, que je sentais aussi hérissé que moi par cette intrusion. Et personne, non personne n'était assez fou pour échauffer le nain consciemment. ❝L'eau est si calme ce soir. Trop calme...❞ proposais-je avec une sournoiserie non-dissimulée.

Les lèvres du forgeront s'étirent à la réponse de son amie évoquant l'idée de se rendre seule à ce point de rendez-vous. C'est vrai, qu'il aurait pu rester à la forge plutôt que de l'accompagner. Mais l'importance de leurs affaires avec la Sorcière Bleue et l'amitié qu'il a pour la harpie à la langue acérée lui ont rendu la décision aisée.

❝ Et te laisser tout gérer toute seule ? Tu me connais mal, décidément.❞

Malgré son plus grand respect pour la meneuse de la Ligue, celle qui est parvenue à structurer ce mouvement qu'il n'avait fait que maintenir à flot avant qu'elle n'arrive, Hakan met un point d'honneur à avoir son mot à dire sur tout ce qui concerne leurs ambitions.

Un bruit de pas, saccadés, attire leur attention qu'ils détournent de l'eau pour la poser sur un homme à l'air paniqué et à l'aspect relativement inquiétant. Pourtant, les meneurs de l'Aube ne sourcillent pas, le Nain se contentant de ranger calmement sa précieuse pièce dans la poche de sa veste. L'importun les supplie de l'aider à sauver la pauvre âme entendue plus tôt et n'a, pour réponse, qu'une harpie courroucée et un nain amusé qui l'observe plus en détail lorsqu'il se retrouve saisi au col. Ce sang ne lui plaît pas, pas plus que la facilité qu'à eu cet homme à aborder deux inconnus seuls sur un quai ayant clairement l'air de ne pas vouloir être dérangés.

❝ Figure-toi que je me faisais la même réflexion.❞ Répond le Nain à sa comparse en empoignant le visage du malheureux, bien moins soucieux d'entrer en contact avec l'écarlate. Sa force peut surprendre si l'on ignore sa race, mais elle menace de briser les os de son vis à vis au moindre faux pas. ❝Mais je serais curieux d'entendre notre ami nous expliquer ce qu'il fout ici.❞ Son regard soutient celui de l'intéressé qu'il mettrait presque au défi de trouver la bonne excuse qui lui vaudra de repartir entier ou, au moins, vivant.

La réponse du nain me dérida l'espace d'une seconde. Evidemment, il aurait sans doute préféré mettre sa propre main entre le marteau et l'enclume plutôt que de me laisser seule à la merci d'informations sur lesquelles il n'aurait pas eu son commentaire à faire. C'est qu'il était généreux, le forgeron : jamais il ne manquait une occasion de diluer son jugement -souvent bien senti- sur les recherches de l'Aube. Et si au début j'avais eu l'étrange sensation d'avoir dans le dos, mon ombre qui s'était mise à parler, je m'étais vite habituée à recevoir son soutien et accueillais maintenant ses paroles avec bienveillance et respect.

Il faut croire que les ombres nous jouaient bien des tours, et notre invité ne me contredisait guère. Mon acolyte l'avait à mon instar, soulevé de terre mais le bougre parvenait tout de même à articuler d'une voix rendue aiguë par la peur. J'eus un petit rire aux notes suaves que le nain devait sans doute entendre pour la première fois. L'intrus transpirait à grosses gouttes et ses cheveux s'étaient dressés sur sa tête. ❝Tu entends ça ? Il dit qu'il voit des ombres qui courent, l'épouvantail.❞ Je m'approchais et pris son menton entre mes doigts, comme on pourrait le faire à un petit enfant, mais non sans rudesse. Je tirais sur sa joue : ❝Oh, la pauvre petite ombre solitaire qui n'appartient à personne et qui est obligée de détaler parce que le grand monsieur lui a fait peur.❞ me moquais-je ouvertement avec une moue. Mon visage illuminé par un large sourire resta un instant encore avant que ce masque ne tombe brutalement. Le temps du jeu était terminé, j'en étais déjà lassée. J'eus un tic nerveux.

❝Tu nous prends décidément pour les derniers des simplets, ma parole. Tu veux nous faire croire que tu es sorti de ton auberge, que tu as vu cette femme à l'agonie, que tu l'as tripoté, et que le plus efficace a été de courir directement jusqu'à nous en traversant toute la ville, plutôt que de simplement ouvrir la porte de la taverne pour demander de l'aide ? ❞ résumais-je. J'eus un petit hochement de tête en direction de mon ami et écartais ma cape pour que le malheureux puisse voir l'une des lames fixée dans le ceinturon de ma hanche.

❝Rassure-toi, nous n'allons pas te jeter à la mer. Mais...il se peut que tu y tombes tout seul.❞ fis-je avec une logique implacable.

Hakan devine sans mal le craquement des cervicales du poids plume dont les pieds ne touchent plus le sol et, visiblement, ça l'amuse beaucoup. Persuadé de la supériorité du peuple Nain, il aime toujours autant constater la faiblesse des autres, leur susceptibilité à se briser sous sa poigne à la moindre de ses contrariétés.

L'homme les supplie, tous les deux, de le laisser en vie, leur dévoilant la raison de sa présence ici, mais ne gagnant pas beaucoup de points face à deux individus aussi méfiants que ceux qu'il a eu le malheur de rencontrer. Thylone le lui fait savoir, élargissant ce sourire satisfait sur les lèvres du forgeron qui se félicite, encore une fois, d'avoir placé sa confiance en cette femme. Nul doute qu'elle a les épaules pour mener à bien les ambitions de la Ligue, nul doute qu'il la suivra tant qu'elle ne va pas contre ses intérêts et, surtout, tant qu'il aura son mot à dire.

❝ Plutôt vaseux comme excuse.❞

Là dessus, il la rejoint. Préférer des quais déserts à la population d'une taverne, aussi avinée qu'elle soit, n'est clairement pas le choix le plus judicieux à faire pour appeler à l'aide. On risque, au mieux, de ne trouver personne et, au pire, de tomber sur eux. Mais, contrairement à une Thylone plutôt envieuse de se débarrasser du moustique qu'il tient encore fermement, Hakan est piqué d'une certaine curiosité. Cette histoire a au moins le mérite de le distraire sur ces quais mornes et ennuyeux.

❝ Et elle est où, ta pucelle en détresse ?❞

Le malotru avait fini par fermer les yeux devant le triste tableau que je lui présentais. Wilnir ? Ahara ? Il n'était pas difficile de deviner à qui étaient adressées ses prières muettes. Mais pourtant, il reconnu sans mal que ce dernier se révélait être criant de vérité. Avait-il imaginé un autre dessein en venant à nous ? Ou était-il simplement dépourvu de discernement et d'une réflexion en parfaite état de marche ?
De nouveau il s'excusa platement, encore et encore, de nous avoir dérangé en plein travail. C'est qu'il a bien appris son texte, le poissard.

Puis il s'adressa à Hakan directement, pensant sans doute voir en lui plus de bonté. Quelle pauvre âme imprudente, pensais-je en mon fort intérieur. Car de nous deux, peut-être était-ce lui le pire. Il avait cependant répondu à la question de mon bras-droit, de façon approximative mais avec précision néanmoins. Crier ? Evidemment que nous l'avions entendu, la crécelle éplorée car elle avait sans nul doute réveillé tout Eredhel, faisant sensiblement s'accroître le risque de rameuter des opposants vers nous. Et nous devrions l'aider ? Je regarde l'endroit évasif qu'il désigne vers la ville. Pour terminer sa plaidoirie larmoyante, il implora une dernière fois en mettant en avant le fait qu'on l'attendait à la maison. Femme, enfant. Une belle petite famille qui avait pour protecteur, un soûlard qui fuguait la nuit.

Je soupirais ostensiblement, lassée de son discours redondant. Peu affectée par le côté sentimental de ses paroles, je haussais les épaules : ❝Et moi, je n'ai ni l'un ni l'autre.❞ concluais-je en laissant au forgeron le soin de faire de cette carcasse, ce que bon lui semblera. Asphyxie, strangulation, noyade, perforations en tout genre...sa créativité ne serait pas bridée ce soir. Je tournais les talons, les mains derrière le dos et me postais d'un pas lent en bordure du quais afin de prévenir d'éventuels troubles-fêtes. Car nous en avions déjà assez eu et je ne doutais pas des ressources de mon ami pour le faire crier aussi fort que sa Dame. Que de décibels, sous cette lune pourtant si paisible !

La détresse du malheureux le mène à sa perte. De tous les individus qu'il a choisi d'aborder ce soir, il a choisi les plus méfiants, les moins cléments, ceux qui ont un nombre incommensurable de crimes à leur actif mais qui, malgré ça, sont parfaitement à l'aise avec leurs propres reflets. De remords ils n'en ont pas s'il s'agit de servir leur cause, et ils n'en auront donc pas à décider du sort de celui que soulève légèrement le Nain.

Le regard de ce dernier se déporte légèrement vers la ruelle qu'il lui désigne et d'où il vient, l'obscurité ne laissant rien deviner de ce qui s'y trouve, mensonge comme vérité, pas même une plainte de la pauvre femme qu'ils devraient, sûrement, aller aider si ils partageaient les mêmes valeurs qu'un honnête citoyen.

❝Tiens, d'un coup la vie de ta gueuse a moins de valeur que la tienne. La chevalerie a donc ses limites.❞, ricane Hakan après que son amie ne se soit détournée d'eux. La lueur d'espoir dans le regard de l'inconnu le fait jubiler, ne se traduit que par un sourire satisfait étirant ses lèvres alors qu'il est loin d'être le salut de l'homme qui l'espère sûrement. ❝Ne t'en fais pas pour ta famille, gamin.❞ Son sourire devient carnassier, ses yeux ceux d'un prédateur. ❝Je vais leur rendre un grand service.❞

Et ce service, c'est de les débarrasser de lui, de ce témoin gênant qui, s'il devait être libéré, ferait l'objet d'une surveillance constante et de menaces diverses que la Ligue mettrait volontiers à exécution, notamment envers ses proches. Alors au final, le tuer, lui, ce soir, c'est épargner une veuve et son enfant, non ?
Sa main libre vient empoigner l'arrière du crâne qu'il abat, brusquement et dans un élan de bonté, sur le plot d'amarrage à leur pied qui produit un bruit à la fois sourd et métallique et se teinte du même rouge que la rouille qui le recouvre déjà entièrement. Par précaution, le forgeron réitère son geste avant de laisser tomber le corps inerte au sol, son liquide vital se mêlant entre les pavés à celui, coagulé, des quelques poissons ayant été vidés là quelques heures plus tôt.

❝La prochaine fois il parlera pas aux inconnus.❞

Dans la nonchalance la plus totale, le corps roule sous la pression d'une botte qui le pousse au bord du quai, jusqu'à plonger enfin dans cette eau promise et accueillant sûrement, déjà, bien d'autres malchanceux dans son genre.

Il eut un dernier gémissement, le malheureux. Puis dans mon dos, j'entendis un premier craquement sourd, suivi d'un autre. Identique. Par deux fois, les os de son crâne s'étaient brisés et avec eux sans doute, quelques vertèbres collatérales. L'Empereur avait toujours eu ce goût et cet amour pour le travail bien fait. Propre et concis. J'aimais sa façon de faire, bien que cela en rebute plus d'un. J'eus un hochement de tête affirmatif à sa remarque qui m'informait que la besogne était achevée. Mon regard balayait les quais, à la recherche d'un éventuel témoin indésirable. Non pas que je craignais qu'on ne découvre ce nouveau meurtre, ceci n'était pas une source d'inquiétude. Mais ce soir, nous n'étions pas venu dans ce but. Nous avions une tout autre affaire à conclure et il ne s'agissait pas de teindre le port d'autres traînées carmin. Bien que cela fut agréable à envisager. Le poids mort tomba dans l'eau où à terme, il rejoindra les profondeurs abyssales pour s'y décomposer en paix.

Mon partenaire me rejoignit et avec douceur, j'effaçais l'éclaboussure de sang qui s'était posée sur le haut de sa pommette en l'effleurant de ma main. ❝Il ne peut que retenir la leçon, désormais.❞ fis-je avec un fin sourire appréciateur. Je promenais les yeux au loin avant de désigner le centre d'Eredhel d'un geste du menton. ❝Rentrons. Le capitaine Evanell nous a bien assez fait perdre notre temps ce soir, et je le lui ferai savoir en temps voulu.❞ déclarais-je en avançant vers les petites lumières de la cité. Le corps flottait, au milieu des cercles concentriques sans autre forme d’hommage. Pour un manant aussi insignifiant que lui, il ne pouvait en être autrement. Il n'était utile à personne et ne méritait pas d'être signé de notre marque posthume. L'aube n'était rouge qu'à ceux que nous estimions méritants. Inconnu de son vivant, ignoré dans son agonie et oublié dans sa mort...