Beat me ft Vandak Evanell

« Oh, est-ce que tu as appris la nouvelle ? » Vandak avait relevé les yeux de son morceau de parchemin, détaillant un instant le nain qui souriait de cette expression qu’elle détestait tant. Elle l’aurait saisi par la barbe pour lui exploser ta tête contre le présentoir dont il dépassait à peine. Mais elle n’était plus la créature assoiffée de sang et de violence qui ne se contrôlait pas. Elle avait besoin du kraken et de ce que la position offrait, tout comme cette information qui allait lui être offerte. La disparition d’un capitaine et de son navire. Ce n’était pas chose rare, sur les mers. Vandak y était accoutumée, parfois même responsable. Mais ici, ce fut le nom d’un ami de longue date et elle haussa un sourcil, l’intérêt dépassant le dégout qu’elle avait pour la petite créature qui se tenait devant elle. « Il y a des survivants ? » Elle reçut à peine une poignée de noms, quelques localisations. Une pièce d’argent fut glissée sur le comptoir en guise de remerciement, et leur échange repris son court normal, discutant politique et navire de frets.

La nuit était déjà tombée depuis bien longtemps, quand la sirène sortit du repère du Kraken. Elle échappa un long soupir qui s’envola en une buée froide. Quatar, toujours silencieux, déposa le lourd manteau sur les épaules de son capitaine, qui le remercia d’un léger geste de la main. « Nous rentrons ? » Demanda-t-il calmement. « Non. » Syllabe qui fut suivie par d’autres, alors qu’elle lui expliquait ce qu’elle avait en tête et qu’ils s’enfonçaient dans le dédale de ruelles et de souillure qu’était Eredhel. Par Wilnir, combien elle détestait la capitale. Aussi répugnante était le repère de la royauté, elle ne pouvait nier que parfois, il y avait d’agréables surprises. D’autres rebus plein de ces désespoirs qui ne demandaient qu’à être cueilli de ce dépotoir. Et elle savait trouver où certains s’étaient échoués.

Des harpies qui étaient loin de Fell’Gost, ce n’était pas compliqué à trouver. Les ailes n’aidaient vraiment pas. Vandak prit une longue inspiration, détaillant les plumes rousses et noires qui frôlaient le sol. Et d’un pas décidé, elle traversa la misérable taverne. Fondant entre les ivrognes tel un requin entre un banc de poissons, elle s’installa sur le siège libre à côté d’Azel, évitant avec soin les ailes de ce dernier. « Merci pour le verre. » Et elle attrapa la boisson du pirate, qu’elle but d’une traite, la provocation évidente.

Il y avait le gout de la mauvaise bière qui envahit son palais et elle eut une moue de profond dégout.  Cependant, elle ne quittait pas Azel du regard, étudiant son expression couronnée d’un faux sourire. Les lèvres de la sirène restèrent pincées, et finalement elle le salua d’un bref geste de la tête. Vandak n’avait pas obtenu la réaction escomptée, mais cela voulait dire que malgré l’œil un peu vitreux de la harpie, il était encore capable de la reconnaitre. Ce qui était encore un bon signe, d’après elle. Il y eut une question et une mauvaise ascendance à sa nature marine. Le capitaine se contenta de rire légèrement, alors que Quatar, qui s’était installé de l’autre côté de Azel, le remettait gentiment à sa place. « Surveille tes propos. » Elle fit signe à son second de lui donne un peu de lest. Et elle héla le barman pour commander du rhum, fidèle au cliché de la piraterie.  

« J’ai appris pour ton capitaine. » Elle était comme ça, Vandak. Elle ne faisait pas dans les visites de courtoises et elle ne passait pas par quatre chemins. Elle n’aimait pas l’hypocrisie qui était dans les veines de la capitale. Trois verres furent posés sur le comptoir et elle souleva le sien. « En leur mémoire. » Et le rhum coula dans sa gorge, brulant les souvenirs de la piètre boisson qu’elle avait volé, pour ne laisser plus aucune saveur dans sa bouche. Cela reviendrait, car l’alcool n’était qu’une solution temporaire à un mal trop profondément ancré. Elle savait ce que cela faisait, de perdre un capitaine auquel on était attaché. La douleur ne partait jamais vraiment. Mais la vie continuait. « Je ne peux pas t’offrir de vengeance. » Le code du Kraken l’interdisait, et elle n’était pas intéressée par ce cercle de fausse rédemption. « Mais je peux te donner un nouveau départ. »

Azel était abattu, c’était un fait et Vandak ne se moquerait pas de ce désarroi. Elle n’avait pas beaucoup de considération pour les sentiments des autres, le fait qu’elle ait cruellement manqué de repères durant son enfant n’aidait pas. Mais elle associait très bien ce qu’elle voyait avec son vécu. Si elle comprenait la peine de la harpie, elle n’allait pas le laisser se morfondre. Car elle ne l’avait pas fait, et elle aurait donné tout ce qu’elle avait, pour que quelqu’un lui tende la main dans ces moments difficiles. Heureusement, dans les nouveaux membres d’équipage, elle avait trouvé Quatar et les autres. Ce n’était pas un équipage, c’était sa famille. Si elle n’allait pas s’entendre sur ce discours qui ne collait pas vraiment avec son image, elle ne laisserait pas Azel comme ça. Ce n’était pas ce que son feu capitaine aurait voulu, elle le savait.

Le vomi n’était clairement pas le genre de réponse qu’elle attendait et elle haussa un sourcil quand le gerbe s’écrasa contre ses bottes. Elle secoua un peu son pied, à peine impressionnée. Elle échappa un rire et elle fit un signe à son second de prendre en charge l’ivrogne. « Eh bien, on va dire que tu vas au moins travailler pour réparer ton méfait. » Ils restaient des criminels avant tout, et si elle avait demandé l’opinion du pirate, ce n’était que pas politesse. Celle-ci ne durait jamais longtemps avec le capitaine de la Sorcière Bleue. Son sourire de requin sur les lèvres, elle se leva. Quatar en fit de même, attrapant Azel par le col, et il bloqua les ailes, pour éviter tout ennui. « On va aller prendre l’air, ça va te faire du bien. » Une pièce d’argent sur le comptoir, et ils furent vite dans les ruelles, où Quatar balança le harpie en deuil dans le premier baril d’eau qu’ils trouvèrent. Vandak s’appuya alors sur le mur, à côté du roux, visiblement amusée. « Alors, ça va mieux ou il te faut un deuxième bain ? »

Azel avait beau avoir de la gueule, il n'en restait pas moins qu'il écouta les conseils de son nouveau capitaine, sans broncher, sans faire le difficle. Il n'y eut aucune question, aucune négociation. Cela lui plut, à Vandak. Certains membres de son équipage avaient été plus difficiles à convaincre et il n'était pas rare qu'elle en ait embarqué un ou deux avec les cordes serrées autour des mains et des pieds. Ici, c'était presque civilisé, malgré le relent qui restait sur ses bottes qui auraient bien besoin d'être nettoyées. Cette manière était plaisante aussi, de temps en temps. Elle sourit alors, de son sourire de requin, initiant la marche.

Quatar passa devant elle, esprit de protection et de guide, qui écoutait silencieusement l'échange qu'il y avait derrière. Il glissa même un regard vers la harpie qui voulait les mettre en garde, un sourcil arqué vers la sirène. Parce qu'il savait ce qu'allait répondre le capitaine « Tu penses qu'il n'y avait pas de grabuge avant ? » Vandak leva les yeux au ciel dans un geste un peu théâtral. « C'est toujours une bonne chose, ça chasse l'ennui. » Et le requin avait cela en horreur. Elle était à la surface pour lutter contre la solitude, et ceux qui l’entouraient n’étaient pas des enfants de cœurs. Grâce à eux, elle avait des projets, des ambitions. Si elle voulait une vie calme et paisible, elle serait retournée sous l'eau, dans les profondeurs si noires et lointaines qu'aucun filet de pêche n'aurait pu la saisir, ni la capturer.

Elle s'étira un peu le dos, alors qu'ils prenaient leur route vers le port, où était amarré la Sorcière Bleue. « Du moment que tu règles tes emmerdes d'une manière ou d'une autre, je n'ai rien contre. » S’il était assez bon pour se mettre dans le pétrin, il serait assez bon pour s’en sortir. Vandak avait en horreur d’être appelée à l’aider pour des histoires qu’elle n’avait pas causé. Bien qu’elle refusait rarement de venir en aide envers son équipage. Ils comptaient pour elle, bien qu’elle ne le reconnaissait que trop rarement à voix haute. Puis, elle s'arrêta et elle le regarda avec son autorité de capitaine, celle qui ne laissait pas la place à la parole. Presque, elle aurait levé son doigt, mais elle savait qu’elle n’avait pas besoin de ça pour se faire entendre. « Mais n'abime pas mon navire. » La menace était présente dans sa voix, et ce ne serait pas la première fois qu'Azel l'entendrait. Cela faisait partie du personnage.